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La francophonie en Amérique du Nord (Canada/États-Unis)

 

Depuis les années 1960, l'on assiste à un discours selon lequel la francophonie en Amérique du Nord se limiterait au Québec, véritable « village gaulois ». Pourtant, rien n'est plus faux. 

 

À l'occasion de la rédaction de mon essai Quelle Amérique française ?, en 2012, j'ai eu l'occasion de vagabonder à travers ces centaines de communautés francophones rassemblant quelques millions de personnes et égrenées depuis l'Atlantique jusqu'au Pacifique et de l'Arctique, jusqu'au golfe du Mexique, en passant par l'inévitable vallée du Saint-Laurent, au Québec, où tout a réellement commencé. L'étude de ces communautés aux patrimoines immatériels et culturels riches, singulières à travers l'espace et le temps, a donné naissance à Quelle Amérique française ?, où j'ai tenté de percer la nature exacte de l'Amérique française; à travers son identité, sa culture, son passé, son présent et ses perspectives d'avenir.

 

 

Qu'est-ce que l'Amérique française ?

 

Quelques chiffres...

 

  • En 2012, il y avait plus de 36 000 000 de descendants des premiers Français venus s’établir en Nouvelle-France à travers l’Amérique du Nord et dont la première identité déclarée se rattachait à cette ascendance, soit plus de 10 % de la population totale du Canada et des États-Unis combinés. Au Canada seulement, ce serait éventuellement près de la moitié du pays ! Si certains d’entre eux ne parlent plus couramment le français, il n’en demeure pas moins qu’ils partagent souvent une même culture, fondée sur un riche patrimoine plusieurs fois centenaire et encore aujourd’hui, en constante ébullition.

  • En 2011, il y avait plus de 10 300 000 personnes dont la langue maternelle était le français au Canada et aux Etats-Unis, dont un peu plus de 59 % (6 102 210) habitaient la province de Québec où environ 80 % de la population se retrouve dans la vallée du Saint-Laurent, berceau historique de l’Amérique française.

  • En 2011, les francophones représentaient 22,9 % de la population canadienne (dont moins environ 19,5 % au Québec) alors que les anglophones de langue maternelle représentaient 56,9 % de la population du pays.

  • En 2011, plus de 30,0 % de la population canadienne parlaient français. Dans les faits, la majorité des Canadiens ont au moins une connaissance partielle du français. Quant au pays de l’Oncle Sam, jusqu’à 75 000 000 millions d’Étasuniens auraient une certaine connaissance de la langue de Molière, soit près du quart de la population.

  • Le facteur religieux demeure un marqueur identitaire important, puisqu’à l’extérieur du Québec, de même que dans les régions québécoises, la paroisse demeure plus souvent qu’autrement le cœur des communautés francophones, à partir desquelles s’organise la vie communautaire. Même le Québec comptait plus de personnes s’affirmant catholiques (environ 83 %) que francophones (environ 81 %), en 2001, lors du dernier recensement obligatoire de Statistique Canada comprenant une question sur la religion.

 

Une identité basée sur des piliers religieux et linguistique

 

  • À l’instar de toute culture de par le monde, la culture francméricaine est fondée sur un pilier linguistique (système de pensée) et un pilier religieux (système de valeurs), s’articulant notamment autour d’un patrimoine linguistique francophone et d’une culture religieuse fortement influencée par le catholicisme romain et l’histoire de l’Église canadienne jusqu’à aujourd’hui. À l’époque du régime français, la majorité de la population métropolitaine de France – plus de 80 % en fait - parlait encore divers langues, dialectes et patois régionaux, alors que le français demeurait la chasse-gardée de l’élite et à la population francilienne (Paris et ses environs). Étant donné les origines diverses des premiers colons, le français s’est implanté plus rapidement au Canada et en Acadie qu’en France même ! De plus, les premiers Français du Nouveau-monde apprirent la langue de Molière dans sa variété versaillaise (le français du Roi) et ce, bien avant la Révolution française, ce qui explique certaines des particularités dialectales du français au Canada et aux Etats-Unis.

  • Par ailleurs, l’absence d’une puissante élite francophone au Canada, puis aux Etats-Unis, favorisa l’affirmation de l’Église catholique en tant qu’autorité sociale, puis institution fédératrice en Amérique française. Encore aujourd'hui, les églises et les paroisses demeurent d'important lieux de convergence communautaire dans l'ensemble de l'Amérique française.

  • L’histoire particulière dans des lieux géographiques précis (en Amérique du Nord), aura permis l’essor d’une multiculture tout à faire particulière. Les traditions et le patrimoine immatériel sont en partie hérités de la France d’Ancien régime et un important héritage autochtone, de même que plusieurs particularités bien d’ici, aboutissement d’une histoire et d’une culture uniques, auront favorisé la définition d’une nouvelle identité.

 

Une visage autochtone

 

  • L’identité francméricaine est également autochtone et plus particulièrement, amérindienne. En effet, le modèle français de relations et d’interactions avec les Premiers peuples, se distingua – par rapport aux modèles portugais, espagnol et britannique – par un important réseau d’alliances, permettant aux Français d’étendre leur zone d’influence sur un vaste territoire sans pour autant l’occuper. Dans les faits, ces alliances se sont également traduites par des échanges et un métissage culturels prodigieusement importants, engendrant ainsi une identité aux colorations uniques. Aujourd’hui, l’héritage des Premières nations est indissociable de la culture, des traditions, du système de pensée et des mentalités francméricaines.

  • Bien après la fin du régime français, la continuité des alliances franco-amérindiennes se refléta à travers les courants migratoires canadiens-français un peu partout au Canada et aux Etats-Unis, y compris dans le cadre du développement régional du Québec.

  • Par ailleurs, en-dehors du métissage culturel, le métissage aura également été génétique. Ainsi, aujourd’hui, il n’y a sans doute pas un Canadien-français, un Québécois d’origine canadienne-française, un Acadien, un Franco-Américain ou un Cadien ne comptant pas au moins un ancêtre amérindien, de la même façon qu’à peu près tous les Autochtones du Canada et des Etats-Unis comptent au moins un quartier français à leur patrimoine génétique, souvent hérité de leurs ancêtres coureurs des bois. Dans l’Ouest, le métissage pris des proportions si imposantes qu’il donna naissance à la nation métisse dont plusieurs représentants perpétuent encore de nos jours une culture et parfois un mode de vie tout-à-fait singuliers.

 

« Une épopée des plus brillants exploits »

 

  • Si les Acadiens auront été les premiers occupants d’origine européenne de la région Atlantique du Canada – incluant l’est du Québec, l’ensemble des Maritimes et Terre-Neuve - les Canadiens-français et les Métis auront définitivement été les pionniers du développement continental de l’Amérique du Nord. Au Canada, l’Ontario faisait partie du territoire initialement colonisé dès l’époque de la Nouvelle-France et les provinces de l’Ouest auront toutes été fondées par des Métis et des Canadiens-français francophones et catholiques, avec une présence française dès le régime français. Six Canadiens-français accompagnaient l’explorateur montréalais d’origine écossaise Alexander Mackenzie lorsqu’il « découvrit » la Colombie-Britannique, où les premières institutions furent implantées par des religieux canadiens-français et c’est le L’Isletois Joseph-Elzéar Bernier qui prit possession de l’Arctique au nom du Canada.

  • La situation est en grande partie la même aux États-Unis, alors que près des deux-tiers du territoire continental actuel des Etats-Unis faisaient partie de la Nouvelle-France et avaient été partiellement colonisés dès le régime français. Même après la Conquête et la vente de la Louisiane, les coureurs des bois et explorateurs canadiens-français demeurèrent longtemps les seuls occupants du territoire, fondant d’ailleurs plusieurs établissements. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les francophones demeuraient majoritaires à Saint-Louis et au début du XXe siècle, les francophones formaient encore plus de 85 % de la population du sud de la Louisiane. Jusqu’au XXe siècle avancé, les Canadiens-français et les Métis demeuraient majoritaires dans certains secteurs de l’Ouest des Etats-Unis et près de la moitié de la population québécoise quitta le territoire de la belle Province entre 1850 et 1930, faute de travail, pour la Nouvelle-Angleterre et le Midwest américain.

  • En plus d’un apport démographique substantiel, les Francméricains – tant au Canada qu’aux Etats-Unis – ont profondément influencé le développement des sociétés canadienne et américaine, notamment à titre de premiers occupants d’origine européenne, contribuant à forger les identités nationales de ces pays, telles qu’on les connaît aujourd’hui. En fait, le caractère distinct des Etats-Unis par rapport à la Grande-Bretagne et encore plus, du Canada par rapport aux Etats-Unis, serait en grande partie imputable à cette influence majeure qui se confond de nos jours dans tous les aspects de ces sociétés.

  • Aujourd’hui, le génie créatif des Francméricains, le dynamisme des cultures acadienne, québécoise, canadienne-française, autochtones, métisse et cadienne (« cajun ») et les talents infinis de leurs représentants font rayonner la « francméricanité » de par le monde.

 

Des défis à la mesure d'un continent

 

  • Les analyses de l’essai Quelle Amérique française ? ont permis de conclure à une situation préoccupante concernant la vitalité et la pérennité de la culture francméricaine en Amérique du Nord. Si les apports aux ensembles canadien et étasunien demeurent colossaux, la multiculture francméricaine à proprement parler, demeure fragile. L’assimilation et l’acculturation font certains ravages, en particulier chez les jeunes, d’autant plus dans un contexte de mondialisation. L’adhésion au catholicisme demeure un marqueur identitaire important, bien qu’il soit en perte de vitesse - et surtout, de substance - et le français appris en tant que langue maternelle ou en tant que langue d’usage est en constant recul à peu près partout, atteignant des taux d’assimilation particulièrement élevés dans certaines régions, dépassant les 85 % par endroit. D’un point de vue culturel, l’acculturation se fait sentir également au Québec.

  • Néanmoins, il en ressort également, que la culture anglo-saxonne n’en serait pas la grande responsable en soi. En effet, la situation serait due en grande partie à des associations négatives avec le français, le catholicisme et la culture francméricaine qui en résulte. Ces associations négatives seraient quant à elles imputables à la précarité et à la discrimination dont auraient été victimes les francophones en Amérique du Nord par le passé. De plus, au Québec, une certaine culture de nivellement par le bas et de mise en valeur de la faiblesse du français, ironiquement par des nationalistes, auraient pour effet d’alimenter des sentiments négatifs et le déshonneur, en plus d’engendrer un malaise et une certaine lassitude à l’égard des cultures francophone et canadienne-française. Enfin, le cynisme entourant l’affirmation du patrimoine religieux immatériel et la culture religieuse du Québec sont de nature à plomber les ailes de la culture canadienne-française et québécoise dont l’un des piliers repose justement sur le phénomène religieux.

  • Finalement, le désengagement et désintéressement du Québec par rapport au reste de l’Amérique et du Canada français, notamment suite à l’essor du mouvement souverainiste qui craignait renforcer les appuis fédéralistes, auront contribué à cet affaiblissement.

  • Il se dégage de ces conclusions, l’évidence d’un métissage culturel international de plus en plus marqué ; souhaitable au demeurant. Cependant, il apparaît également que la vitesse effrénée de cette union culturelle s’effectue plus rapidement en Amérique du Nord qu’ailleurs dans le monde, ce qui laisse planer de nombreuses incertitudes. De par son humanisme et son esprit particulier, la culture francméricaine doit participer en propre et à travers les ensembles canadien et étasunien, à la mondialisation et au brassage culturel qu’elle sous-tend. Pour ce faire, le Canada français et les francophones des Etats-Unis doivent comprendre leur identité particulière, qui se doit d’être positivement valoriser, notamment en misant et en focalisant sur ses singularités et son unicité, plutôt que de tenter de limiter ou dénigrer les autres influences culturelles, notamment la langue anglaise. Il est aussi primordial d’adopter une attitude positive en assumant notre part d’héritage religieux toujours bien vivant et en mettant en valeur les atouts du français, qui restent acquis peu importe le nombre d’autres langues parlées – rappelons-nous qu’une langue est une façon de penser sur laquelle on place des mots et non le contraire.

  • Enfin, il en ressort également la nécessité de la mise en place d’un projet commun, d’abord à travers la francophonie canadienne (incluant le Québec), puis en partenariat avec la francophonie étasunienne et les nations métisse et autochtones, de façon à rassembler les communautés francméricaines et à assurer un dialogue permanent et inclusif avec les autres communautés culturelles, en particulier la communauté anglo-saxonne majoritaire. De plus, le conductorat et le leadership des gouvernements fédéral et québécois demeure essentiel, afin d’assurer le dynamisme et l’offre de services en français partout au Canada et, éventuellement, afin d’encourager l’organisation de l’Amérique française et la promotion de la francophonie aux Etats-Unis, en particulier dans les régions réputées historiquement francophones.

Saviez-vous...

 

  • Que les Québécois francophones ne représentaient que 59 % de la population de langue maternelle française du Canada et des États-Unis en 2012 ?

  • Que l’Assemblée législative de l’Ontario pourrait adopter une nouvelle loi ciblant des quotas d’immigration francophones d’au moins 5 % dans la province, afin de protéger le poids démographique de son importante minorité franco-ontarienne ? (notez que ce projet de loi déposé à l’hiver 2014 par le gouvernement libéral minoritaire de l’Ontario pourrait être compromis par les résultats des élections déclenchées en mai 2014).

  • Que le gouverneur actuel du Maine, Paul LePage, est un Acadien n’ayant appris l’anglais que tard dans l’adolescence ?

  • Qu’il y a plus de personnes capables de s’exprimer en français aux Etats-Unis qu’au Canada ?

  • Que le français, après l’anglais, représente la deuxième langue internationale sur le plan géopolitique et demeure la principale langue internationale dans les domaines du droit et de la diplomatie ?

  • Que le français pourrait être la langue qui connaîtra la plus forte croissance au cours des cinquante prochaines années, notamment grâce aux pays de l’Afrique francophone et à une augmentation soutenue de l’engouement pour les cours de français dans plusieurs régions du monde ?

  • Que toutes les provinces canadiennes avaient d’abord été découvertes, puis peuplées par des Acadiens et des Canadiens-français ?

  • Qu’il y a un peu plus de 100 ans, les Canadiens-français et les Métis formaient encore le principal groupe d’origine européenne dans l’Ouest canadien ?

  • Qu’encore aujourd’hui, plus de 15 % des francophones du Canada habitaient l’extérieur du Québec, occupaient de vastes étendues du pays et demeuraient majoritaires dans plusieurs régions, notamment en milieu rural, d’un océan à l’autre ?

  • Qu’il est possible d’obtenir des soins de santé et d’éducation en français partout au Canada ?

  • Que des 5,1 millions d’élèves que compte le système éducatif canadien, plus de 34,3 % reçoivent un enseignement dispensé entièrement ou partiellement [dans des écoles dites « d’immersion »] dans la langue de Molière, alors que les francophones du Québec représentent environ 19,5 % de la population du Canada ? Et que la quasi-totalité des 3,4 millions d’élèves restants, y compris les jeunes évoluant dans le réseau scolaire québécois anglophone, reçoivent un enseignement du français langue seconde, enrichi ou non, de plus en plus perfectionné ?

  • Qu’en plus du Québec et de l’État fédéral, le français est également une langue officielle du Nouveau-Brunswick, dans les trois territoires canadiens ; jouit d’un statut presque officiel en Ontario et au Manitoba, en plus d’être également une langue administrative dans plusieurs autres provinces, notamment dans les maritimes ?

  • Que le tricolore des Patriotes, souvent employé comme porte-étendard de la cause souverainiste au Québec, illustre l’alliance entre les Irlandais (vert), les Canadiens-français (blanc) et les Anglo-canadiens (rouge) afin d’obtenir plus d’autonomie du gouvernement britannique ; et que les échos des Rébellions de 1837-38 se refléteront par la proclamation de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en 1867, donnant ainsi naissance au Canada, notamment en tant que pacte entre les Canadiens-français et les colons anglophones du Canada ?

  • Que depuis 1969, le français jouit d’un statut égalitaire avec l’anglais au Canada, grâce à la proclamation de la Loi sur les langues officielles, adoptées sous l’impulsion du gouvernement de Pierre Elliott Trudeau ? [Le premier ministre Trudeau s’emploiera d’ailleurs jusqu’à la fin de ses jours à promouvoir le bilinguisme officiel et le développement de la francophonie canadienne, luttant par ailleurs pour les droits des francophones hors-Québec.]

  • Que depuis plusieurs années, le français est en constante progression chez les anglophones et les allophones au Québec ?

  • Que du tiers à plus de la moitié de la population des états de la Nouvelle-Angleterre sont d'ascendance canadienne-française ?

  • Que la Louisianne est le seul état américain officiellement francophone et où le droit civil a toujours cours ?

  • Que les paroisses catholiques représentent souvent le cœur des communautés francophones à travers le Canada - y compris au Québec – particulièrement en milieu rural et autour desquelles s’articule la vie communautaire ?

  • Qu'au nord de l'Alberta se trouvait le district municipal de Smoky River (comprenant notamment la ville de Falher et les communautés de Donnelly, Girouxville, Guy et Jean-Côté), où les francophones comptent pour près des deux-tiers de la population et que celui-ci était situé... sur le piedmont des   Rocheuses ? Comme quoi il y a bel et bien des francophones qui vivent dans cette région, n'en déplaise à plusieurs souverainistes québécois qui avaient tourné au ridicule la défense des Rocheuses dans le cadre de la promotion du fédéralisme canadien dans les années 1990 !

L'Amérique française en cartes et en données

La francophonie aux États-Unies (ci-haut)

Le français et l'anglais au Canada et au Québec (ci-contre et ci-bas)

Le français (langue parlée à la maison) aux États-Unis

Le bilinguisme au Canada

Les principales origines ethniques (réclamées) au Canada

Le français (langue d'usage quotidien) en Louisiane

La population autochtone au Canada

Le français (langue d'usage) au Manitoba

La francophonie ontarienne

Les municipalités officiellement bilingues (et francophones) du Manitoba

La francophonie néo-brunswickoise

L'anglais au Canada 

Les principales religions en Amérique du Nord

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